Pour son premier voyage à l’étranger en tant qu’archevêque de Lyon et président de la Fondation Saint-Irénée, Monseigneur Olivier de Germay a choisi de se rendre en Irak à la tête d’une délégation pour y rencontrer les populations éprouvées par la guerre et par daesh, et pour y découvrir les programmes mis en œuvre et soutenus depuis 2014 dans le cadre du jumelage. Ce voyage, du 28 août au 2 septembre, très riche en visites et en rencontres, fut aussi l’occasion de consolider les engagements du diocèse de Lyon, de la Fondation Saint-Irénée et de l’association Mesopotamia au service des Irakiens. 4 ans après la libération de Mossoul et de la plaine de Ninive, la délégation lyonnaise a découvert un pays en pleine convalescence économique, politique et sociale.
MOSSOUL
Première étape et sans doute la plus symbolique : Mossoul. La grande métropole et deuxième ville d’Irak, où habitèrent jusqu’à 50 000 chrétiens avant 2003, reste une plaie béante où poussent des fleurs d’espérance. Monseigneur Olivier de Germay y a constaté l’ampleur des destructions commises dans la vieille ville entre 2014 et 2017.
Au couvent dominicain Notre-Dame de l’Heure, que daesh avait transformé en « tribunal » et en centre de torture et d’exécutions, c’est aujourd’hui le temps de la reconstruction sous la conduite de l’UNESCO. Monseigneur Olivier de Germay s’y est rendu dimanche 29 août pour une entrevue inédite entre les autorités religieuses chrétiennes et le président français Emmanuel Macron. Le président de la République a annoncé au cours de cette visite la participation financière de la France pour la restauration de la Maison de Prières du couvent, autrefois lieu d’éducation des jeunes filles. Emmanuel Macron a également évoqué la perspective de recréation d’un consulat de France à Mossoul (au XIXe siècle, le couvent Notre-Dame de l’Heure était aussi le siège du consulat de France). Au cours de cette rencontre, l’archevêque de Lyon a offert au président français le livre « Mesopotamia, une aventure patrimoniale en Irak » (éditions Première Partie), publié il y a un an. Moment de joie et de fierté pour l’association Mesopotamia que soutient activement depuis 2017 la Fondation Saint-Irénée.
Deux jours plus tard, le mardi 31 août la délégation lyonnaise est retournée à Mossoul, guidé par Monseigneur Najeeb Michaeel son archevêque chaldéen, pour voir ce qu’il reste du corps décharné de cette cité où les êtres humains et le patrimoine ont subi toutes sortes de violations. Dans les ruelles et les venelles de la vieille ville, entre l’ancien patriarcat et l’église Saint Georges, il reste du vieux quartier chrétien un charme indéniable encore perceptible mêlé au sentiment douloureux d’une histoire volée et d’un temps révolu. Aux portes de la ville moderne, dans l’église chaldéenne dévastée du Saint-Esprit, Mgr Monseigneur Olivier de Germay a prié pour le renouveau de Mossoul et le retour des chrétiens, là où, le 25 juillet 2017, le cardinal Philippe Barbarin avait déposé une statuette de la Vierge Notre-Dame de Fourvière, comme un symbole de fraternité entre les diocèses de Lyon et de Mossoul pour la renaissance de la cité.
Aujourd’hui, au cœur-même de Mossoul, des pépites de vie émergent des ruines. Des édifices historiques sont en cours de reconstruction, parmi lesquels, outre le couvent dominicain, l’église Mar Touma des syriaques-catholiques, la cathédrale syriaque-catholique Al-Tahira que visita le pape François le 7 mars dernier et bientôt l’église chaldéenne Al-Tahira. Dans cette admirable église du XVIIIe siècle, parée de marbre gris sculpté, les deux archevêques de Lyon et Mossoul ont célébré au milieu des ruines la première messe depuis la libération de la ville. Une « résurrection » après tant de ravages, qui apporte tant de bonheur au jumelage des diocèses de Lyon et Mossoul et toute son importance aux projets portés depuis 7 ans par la Fondation Saint-Irénée.
La délégation s’est également rendue à Mossoul-Est où a été reconstruite l’église syriaque-catholique Al-Bichara (église de l’Annonciation), dans le quartier Hay Al-Mohandisine (le quartier des ingénieurs). Érigée en 1970 pour accompagner l’expansion urbaine de la ville, dévastée par daesh en 2014-2017, la nouvelle Al-Bichara a été reconstruite dans son écrin originel en 2018-2019. Plus qu’une église c’est un espace religieux et social qui a été fondé avec un magnifique presbytère et une belle résidence pour les étudiants des universités de Mossoul, cofinancée par la Fondation Saint-Irénée et la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Premier prêtre revenu vivre à Mossoul, le père Emmanuel Kallo, curé de l’église Al-Bichara, fait ainsi revivre la présence chrétienne dans cette cité affligée.
Les Petites Sœurs de Jésus, elles-aussi sont revenues à Mossoul, tout près d’Al-Bichara. La maison qu’elles habitent est un lieu de vie et de rencontre au service des mossouliotes, chrétiens comme musulmans. Habillées de bleu, les sœurs Elychoua, Souad, Najiba et Raïda sont le signe visible d’une renaissance possible. « Quand les dames en bleu reviennent, c’est la vie qui revient » disent les femmes de Mossoul.
QARAQOSH
Deuxième temps fort : Qaraqosh (Bakhdida), la grande cité syriaque dans la plaine de Ninive. Avec le cardinal Philippe Barbarin, nous avions connu en 2017 la cité ravagée et abandonnée, les maisons détruites, les églises brûlées et les commerces démolis. Nous l’avons redécouverte avec Monseigneur Olivier de Germay en août 2021 grouillante de vie. Une véritable résurrection à laquelle la Fondation Saint-Irénée a modestement apporté sa pierre. Notre visite au comité pour la reconstruction de Qaraqosh a révélé l’ampleur des réalisations effectives.
Le Centre Saint Paul, défiguré par daesh, est à présent totalement opérationnel. La Fondation Saint-Irénée qui avait financé l’intégralité de sa rénovation et de sa réhabilitation, va également prendre en charge l’air conditionné de l’amphithéâtre.
L’école publique Qaraqosh 1 a été intégralement reconstruite, grâce au cofinancement des fondations Saint-Irénée, Mérieux et Raoul Follereau avec la région Ile de France. Fermée pendant le confinement sanitaire, la voici fin prête à accueillir des centaines d’enfants de Qaraqosh.
La grande cathédrale Al-Tahira, profanée, vandalisée, incendiée et dont la cour servit de stand de tir, a été magnifiquement réhabilitée avant la visite du pape en mars dernier.
La vitalité retrouvée du souk de Qaraqosh est surprenante. Les familles y déambulent en toute quiétude. Aux terrasses des cafés, les anciens ont retrouvé le plaisir du thé et du backgammon. Qaraqosh respire la joie de vivre, ce que notre délégation a fêté comme il se doit, en célébrant la messe à Al-Tahira avec Monseigneur Yohanna Petros Mouché, notre fidèle ami et archevêque syriaque-catholique de Mossoul et de la plaine de Ninive, acteur décisif du Jumelage Lyon-Mossoul.
Enfin, à Qaraqosh, la délégation a visité le site de l’ancienne église syriaque-orthodoxe Saint Georges, où l’association Mesopotamia porte le projet de la conservation-restauration d’une peinture murale polychrome du XIIIe siècle. Cofinancé par la Fondation Saint-Irénée et la Région Auvergne-Rhône-Alpes, cette restauration est d’autant plus importante qu’il ne semble pas subsister en Irak d’autre fresque médiévale. L’œuvre, probablement composée par un artiste local inspiré par le style byzantin, représente le baptême du Christ et contient d’autres éléments iconographiques bibliques et mésopotamiens. Son état extrêmement dégradé et sa valeur historique justifient l’urgence de son sauvetage. La première partie de la mission a lieu cet autonome. Elle sera réalisée par deux restauratrices françaises et sera l’occasion d’un chantier-école avec 4 étudiants mossouliotes.
BARTELLA
Troisième étape : Bartella, le 30 août, grande ville de 15 000 habitants de la plaine de Ninive. La population, mixte, est composée de chrétiens syriaques, majoritairement orthodoxes, et de musulmans shabaks. Avant-guerre, les chrétiens y étaient majoritaires. Depuis la libération les équilibres démographiques sont inversés ce qui entraine quelques tensions.
La délégation conduite par Monseigneur Olivier de Germay a commencé par visiter l’ancienne église Saint-Georges, en pleine restauration, afin de la purger du bétonnage qui la dévisageait pour lui restituer son cachet authentique. La nouvelle église syriaque-catholique qui avait été totalement incendiée a retrouvé un magnifique cachet, sans pour autant oublier les outrages de daesh. Dans le bas-côté droit, plusieurs vitrines contiennent en effet des objets liturgiques souillés qui témoignent de la violence des destructions.
Depuis la fin de la guerre, Bartella a également retrouvé sa vitalité sociale, culturelle et économique, même 40 % des chrétiens sont revenus. Le petit dispensaire est très fréquenté. Une piscine neuve de 25 mètres avec salle de sport a été créée par l’église syriaque-catholique. Un coffee-shop a été ouvert par des jeunes. La délégation a également visité l’atelier de peinture d’icônes d’Ibrahim Lallo, fidèle ami de la Fondation Saint-Irénée et de Mesopotamia. Pour clore ce séjour à Bartella, les scouts ont offert aux membres de la délégation des croix de bois contenant des reliques des profanations commises.
KARAMLESS
Quatrième étape : Karamless, la grande ville chaldéenne de la plaine de Ninive, à 5 km de Qaraqosh. Guidés par Monseigneur Najeeb Mikhaeel, la délégation a prié dans l’église Mar Addaï. Dans cette cité qui abrite aussi le couvent de Sainte Marthe, la Fondation Saint-Irénée soutient la revitalisation de l’habitat, de l’agriculture et de l’éducation : rénovations de maisons, artisanat et vieux métiers, culture de vignes, de légumes et de roses, école des sœurs chaldéennes…
BAHZANI
Cinquième étape : Bahzani pour l’inauguration de l’oliveraie yézidie, le 30 août 2021, sous un soleil de plomb. Le programme de revitalisation de ce verger de 3 000 oliviers est achevé. Porté par le Centre Culturel et Social Yézidi de Lalesh et placé sous la surveillance des associations Mesopotamia et Hammurabi, ce programme patrimonial, culturel et économique a bénéficié du cofinancement des Fondation Saint-Irénée et ALIPH. Ce verger, en grande partie brûlé par daesh, est à présent fonctionnel. Les travaux (barrière de protection, plantations, canalisations), commencés en septembre 2020, ont été achevés au printemps 2021. Pour clore symboliquement les travaux une cérémonie s’est déroulée au cours de laquelle les représentants des autorités civiles et religieuses ont planté 4 nouveaux arbres.
ERBIL
Au terme de ce séjour irakien, c’est à Erbil, capitale du Kurdistan d’Irak, que se sont déroulés les ultimes visites et les derniers entretiens, le 1er septembre. La délégation lyonnaise a visité le Centre de Numérisation des Manuscrits Orientaux créé en 1990 par Monseigneur Najeeb Michaeel, alors frère dominicain, et qui contribua à sauver des griffes des destructeurs islamistes dès 2003 des milliers de documents et incunables en langues syriaque, arabe et arménienne. La Fondation Saint-Irénée y contribue par la prise en charge des salaires des opérateurs du Centre.
Des entretiens ont également eu lieu avec Monseigneur Nizar Semaan, archevêque d’Erbil et du Kurdistan depuis juin 2019, puis avec le frère Olivier Poquillon au couvent des dominicains à Erbil, qui supervise depuis septembre 2019 la restauration du couvent de Notre-Dame de l’Heure à Mossoul. Et quand la question du retour des chrétiens à Mossoul lui est posée, il répond : « il n’y a pas une solution spécifique pour les seuls chrétiens. La priorité est avant tout économique. Tout le monde est concerné. »Une ultime rencontre eût lieu avec le consul de France à Erbil, Olivier Decottignies. Occasion d’un échange de qualité sur la situation au Kurdistan d’Irak et la présence chrétienne dans la région autonome.
UN AVENIR À SOUTENIR
Cette visite en Irak fut exceptionnelle, non seulement pour apprécier l’énergie, le courage et la vitalité retrouvée des chrétiens irakiens malgré des difficultés économiques et sécuritaires persistantes, mais aussi pour apprécier la qualité et l’importance des liens matériels, fraternels, spirituels et culturels mis en œuvre entre le diocèse de Lyon et les Irakiens.
C’est dans cet esprit que Monseigneur Olivier de Germay entend poursuivre et développer les liens les diocèses de Lyon et Mossoul, entre la France et l’Irak.
Pascal Maguesyan